Soif d’ailleurs avec Nadia – Octobre

Tour de France en 12 bouteilles
par Nadia Fournier

Nadia Fournier

Nadia Fournier

Le monde du vin poursuit son expansion, mais aucun pays n’est encore en mesure d’offrir un aussi vaste registre de saveurs et de styles que cet immense jardin où la vigne s’exprime de mille et une façons. Difficile de manquer de choix entre l’élégance soyeuse d’un vin de Bourgogne, la droiture des crus bourgeois de Bordeaux, la force tranquille d’un saumur-champigny ou la nervosité d’un vouvray de la Loire, la vigueur et l’originalité des vins du Sud-Ouest, le caractère cristallin et parfois plantureux des blancs d’Alsace, sans oublier l’exubérance des vins du Midi et l’effervescence sublime du champagne.

Le jardin français est aussi de plus en plus sain, de plus en plus vert, puisque la superficie du vignoble cultivée en agriculture biologique a été multipliée par 12 depuis le tournant du millénaire. Cela dit, la France a encore beaucoup de travail à faire pour rétablir l’équilibre de ses sols, malmenés par des décennies de viticulture intensive.

Puis, comme les Français ne boivent plus, les vignerons de tous le pays doivent désormais jouer du coude avec le reste du monde sur les marchés d’exportation. Ce contexte économique a enfin poussé les retardataires à se mettre au goût du jour et la plupart des vignerons français semblent avoir compris que la solution à cette impasse se résume à un mot : qualité.

Et qualité il y a ! Souvent à bon prix, même. Voici pour vous une caisse de vins savoureux et authentiques, biologiques ou pas, mais tous taillés sur mesure pour la table. À la vôtre!

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The Stag Victoria Cool Climate Shiraz 2017

Loire

Le vignoble du val de Loire est le plus diversifié du pays. Entre le massif Central et l’océan Atlantique, de part et d’autre du long fleuve auquel il doit son nom, le vin se décline en rouge, rosé, blanc, sec, moelleux, liquoreux, tranquille, mousseux. Difficile de ne pas succomber à la légèreté et à la minéralité de la cuvée Amphibolite 2016 de Joseph Landron (25,50 $) – perlant, vif et citronné, avec des notes salines en trame de fond qui rappellent le bord de mer. Ou encore à l’expression aromatique d’un bon blanc de Sancerre, comme la cuvée Les Chasseignes 2016 du Domaine Fouassier – issu de la biodynamie, vineux, très frais, mais moins acide que bien des sancerres; l’un de mes favoris, cette année encore. (29,75 $)

Les Domaines Landron Muscadet Amphibolite 2016Domaine Fouassier Sancerre Les Chasseignes 2016Château Montaiguillon 2015

Bordeaux

Avec leur caractère un peu austère et empreint de fraîcheur, les vins rouges d’appellations secondaires de Bordeaux semblent conçus pour la table. Le Château Montaiguillon 2015 puise sa sève dans les sols d’argile et de calcaire de Montagne-Saint-Émilion, sur la rive droite de la Dordogne, où la famille Amart signe un vin d’une constance exemplaire, particulièrement réussi en 2015. Bien servi par l’élevage en fûts, frais et chaleureux en même temps; vraiment excellent. Il vaut largement son prix! (24,90 $)

Sud-Ouest

Les vins de Cahors sont maintenant réhabilités, après un long passage du côté obscur de la force. Planté sur les meilleurs terroirs du Lot, l’auxerrois (malbec) donne des vins qui peuvent tenir l’épreuve du temps, mais qui n’ont plus forcément besoin de reposer en cave pendant 10 ans avant d’être agréable à boire. Le Clos de Gamot 2014 de la famille Jouffreau en est un superbe exemple. Sauf erreur, c’est la première fois que je goûtais cette cuvée, pourtant vendue depuis longtemps à la SAQ. Le vignoble du Clos compte des vignes âgées de 40 à 120 ans et donne un vin au profil classique et dépouillé, qui n’est pas sans rappeler certains crus bourgeois du Médoc des années 1980. Vraiment charmant! (26,40 $)

Languedoc-Roussillon

Le millésime 2016 dans le Roussillon a été marqué par la sécheresse, qui a produit des raisins concentrés, mais portant aussi un très bel équilibre entre la charge tannique, l’acidité et le fruit. La Cuvée Laïs 2016 d’Olivier Pithon, par exemple conserve un profil très digeste. Goûté une première fois lors d’une visite au domaine en octobre 2017, le vin était tout aussi délicieux à son arrivée au Québec, un an plus tard. Chaleureux, tissé de tanins serrés qui encadrent une finale juteuse, relevée de notes poivrées. Le bonheur avec les braisés de l’automne. (29,25 $)

Clos De Gamot 2014Domaine Olivier Pithon Cuvée Lais 2016Domaine Les Béates 2015

Provence

La Provence mise plus que jamais sur la popularité du rosé, qui représentait 89 % de la production régionale en 2018. Bien que marginale, la palette de rouges et de blancs produits entre Marseille et Nice, est loin d’être banale. Le Coteaux d’Aix-en-Provence 2015 de Pierre-François Terrat (Domaine Les Béates) est certifié biologique et s’avère purement délicieux et très provençal par sa carrure, enrobée d’une chair généreuse et par son registre de saveurs à la fois animales, herbacées et épicées, avec le fruit en trame de fond. Beaucoup de relief dans ce vin fort en caractère et encore vibrant de fraîcheur, qu’on pourra boire sans se presser au cours des six ou sept prochaines années. (29,75 $)

Vallée du Rhône

Avec son climat chaud et le souffle constant du mistral, le Rhône méridional est un terrain de prédilection pour le grenache noir qui donne des vins joufflus et chaleureux. Issu d’un assemblage de grenache (80 %), de syrah et de mourvèdre cultivés par Stéphane Vedeau dans le secteur des Dentelles de Montmirail, le Gigondas 2016, Jugunda de La Ferme du Mont offre un mariage exquis entre la chaleur du sud et l’intensité contenue. La matière première est mûre et généreuse, mais travaillée par un vigneron privilégiant la finesse à la force brute. Le vin, non filtré, a même de petits airs de très bons pinots noirs de Santa Barbara, en Californie, avec son coeur fruité tendre, charnu et délicat. Un excellent gigondas! (32,75 $)

La Ferme Du Mont Côtes Jugunda Gigondas 2016Domaine Combier Crozes Hermitage 2016

Le Rhône septentrional est plutôt le royaume de la syrah, qui donne naissance à tous les grands rouges produits au nord de Valence, de Cornas à Côte-Rôtie. La famille Combier – qui célébrera en 2019 le 50e anniversaire de la conversion de son vignoble à l’agriculture biologique – a produit un Crozes-Hermitage 2016 purement savoureux, quoique un peu moins concentré que d’habitude. Des saveurs nettes et précises et un fruit gourmand qui se dessine en bouche avec beaucoup de détail.  (35,50 $)

Beaujolais et Bourgogne

Contrairement à la plupart des régions de France, la Bourgogne a connu sa première récolte abondante depuis 2009 – à l’exception de Chablis, durement touché par les gels printaniers. Dans le Beaujolais, la qualité annoncée est exceptionnelle. Une seule gorgée du Brouilly 2017 du Château Cambon devrait vous en convaincre. Affriolant et hyper charmeur; mûr, velouté, charnu et juteux, avec une saine acidité qui pince les joues et procure un plaisir hautement digeste. (28,75 $)

Château Cambon Brouilly 2017La Sœur Cadette Bourgogne 2017

En Bourgogne, la récolte de chardonnay fut tout aussi généreuse; on peut s’attendre à des blancs mûrs, mais dotés d’une bonne tenue, comme le Bourgogne 2017, La Sœur Cadette de Valentin Montanet. Tout ce qu’il fait de gras et de texture, de bons goûts de fruits blancs et un fil d’acidité qui sous-tend l’ensemble, le rendant aussi agréable à l’apéro qu’à table. (25,35 $)

Alsace

Séparée de l’Allemagne par le Rhin et du reste de la France par le massif des Vosges, l’Alsace a longtemps été disputée par ces deux pays frontaliers. Peut-être en raison de l’héritage écolo de leurs ancêtres germaniques, les Alsaciens ont développé plus tôt que le reste de la France une certaine sensibilité environnementale. Aujourd’hui, près de 300 viticulteurs alsaciens sont dédiés à la culture biologique et 14,5 % du vignoble est certifié ou en voie de l’être.

André Ostertag entrevoit le rôle du vigneron comme celui d’un jardinier. Son jardin à lui se partage en 5 villages et 88 parcelles, dont le cru Heissenberg, ou « montagne chaude », nommé ainsi en raison de son exposition plein sud, ainsi que d’une faible circulation d’air. Il y pratique la biodynamie depuis 1997 et en tire un excellent Riesling 2016; parfumé de fruits tropicaux, de fleur d’oranger et d’abricots, portés par une chair fruitée gourmande et par un coeur minéral qui tire le vin en une longueur finale complexe, profonde et pourtant si fine, si subtile. Il mettra encore cinq ou six ans en cave avant d’atteindre son apogée. (49,25 $)

Domaine Ostertag Heissenberg Riesling 2016Bollinger Special Cuvée Brut Champagne

Champagne
Il y a quelques jours, Cyril de Larue de la maison Bollinger était en visite à Montréal pour faire déguster les derniers millésimes des cuvées phares de cette institution champenoise. Même si, depuis quelques années, mon attention se tourne davantage vers les vignerons de Champagne que vers les grandes marques, je continue de porter une affection particulière à Bollinger. J’ai vraiment du mal à résister au charme de ces vins amples et puissants, doublés d’une prestance et d’une élégance rares.

Si pour vous « money is no object », essayez de mettre la main sur les quelques bouteilles du somptueux R.D. 2002; un vin d’une envergure et d’une profondeur hors normes. (320,25 $) Et si comme moi vous appartenez au commun des mortels, vous trouverez sans aucun doute votre bonheur avec la Special Cuvée Brut; non millésimé et très représentatif du style Bollinger, avec une forte proportion de pinot noir (60 %) et une majorité de vins de réserve, dont une partie est conservée en magnums pendant 5 à 15 ans, permettant ainsi une oxydation fine. C’est l’un des BSA les plus racés sur le marché. (81,75 $)

Santé !

Nadia

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